Genius Loci
Le programme de recherche Genius Loci se propose d’explorer les manières dont le design graphique s’empare de la notion de génie du lieu à travers sa mise en tourisme. La création d’un lieu touristique, depuis le lieu même, en passant par les trajets qui y conduisent et des documents de toute sorte qui en font la promotion, invoque systématiquement un certain esprit des lieux avec lequel il faut composer, quitte à le caricaturer voire l’inventer de toute pièce lorsqu’il semble manquer.
Ce cheminement, au cœur de la recherche, sera l’occasion d’observer des situations diverses où le design graphique joue un rôle important en terme d’aménagement, de signalisation et d’invention. Jalonné d’étapes, le cheminement vers les lieux sociaux du tourisme accompagne le voyageur dans la construction culturelle des lieux qu’il traverse. Le design graphique étant un des acteurs majeurs de cette construction, il semble nécessaire d’en explorer les contours et d’expérimenter la fabrication de ces espaces.
Héritière de pratiques religieuses antiques. cette idée, que nous empruntons à de grands principes architecturaux théorisés par Christian Norberg-Schulz au XXe siècle (Christian Norberg-Schulz, Genius Loci, Towards a Phenomenology of Architecture, Rizzoli, New York. 1980. Mardaga, Bruxelles, 1981), prône une création contextualisée où le créateur entre en négoce avec l’environnement et l’esprit du lieu qui le caractérise.
Que des lieux soient exceptionnels de par leur patrimoine (architectural. naturel ou culturel) ou a priori ordinaires parce que populaires ou ruraux, un mouvement transversal traverse les enjeux posés par chacun : leur mise en tourisme. Cette action, qui consiste à la création d’un lieu touristique, invoque systématiquement un certain esprit des lieux avec lequel il faut composer, quitte à le caricaturer voire l’inventer de toute pièce lorsqu’il semble manquer.
Cette mise en tourisme apparaît alors comme un biais intéressant pour aborder la notion de génie du lieu et sera l’objet l’objet de la recherche que nous proposons. Le tourisme crée des lieux sociaux dédiés où le design graphique joue un rôle important : qu’il accompagne le touriste sur la route des vacances notamment à travers la signalétique, ou bien qu’il participe de l’invention du paysage par des biais éditoriaux, il est un des éléments qui aide à définir ou à redéfinir le génie du lieu à l’aune de sa mise en tourisme. C’est plus particulièrement au cheminement que nous nous intéresseront. Dans ce trajet qui mène un public de la connaissance d’un lieu à visiter (livres, guides, films), en passant par le voyage qui l’y mène (signalétique et création de lieux évocateurs comme les aires d’autoroutes par exemple) et jusqu’à la découverte effective du lieu, qu’il soit préexistant ou inventé pour l’occasion, chaque étape convoque des patrimoines qui apparaissent “comme un domaine où les actions se produisent sous la conjonction de plusieurs motivations souvent contradictoires, [ce qui] explique entre autres la raison pour laquelle certains objets au moins comparables à défaut d’être identiques peuvent être patrimoine là et non ailleurs. aujourd’hui et non hier.” (Maria Gravari-Barbas, Patrimonialisation et réaffirmation symbolique du centre-ville du Havre. Rapports entre le jeu des acteurs et la production de l’espace, Annales de Géographie, t.113, no 640, 2004).
Au sein de ces actions, le programme de recherche Genius Loci entend interroger de quelle manière le design graphique, dépassant une forme de subordination à un certain génie du lieu dont il tirerait les formes qu’il propose peut, également, participer de l’invention des lieux touristiques et des étapes qui jalonnent le voyage vers ceux-ci.
Professeur·es référent·es
Sébastien Dégeilh et Olivier Huz
Archives de la recherche
Le programme Genius Loci s’inscrit dans la continuité d’un atelier d’initiation à la recherche du même nom actif à l’isdaT depuis 2013. Interrogeant déjà la question du génie du lieu depuis le design graphique, nous nous posions la question d’un design graphique “situé”. Chaque année, l’atelier s’est appuyé sur des lieux spécifiques comme objets d’étude et de création (Royan et le quartier du Mirail à Toulouse. Fiac, un village du Tarn, le musée d’arts et traditions populaires Calbet à Grisolles, le parc Jean-Jacques Rousseau à Ermenonville, les stations balnéaires Port-Leucate et Port-Barcarès). Chaque année a donné lieu à la publication d’un ouvrage relai à destination des étudiant·es de l’année suivante et compilant la recherche menée sous des formes diverses (textes, essais visuels. expérimentations, expositions. performances). À l’occasion de la biennale de l’édition Exemplaires à Rennes au printemps 2019, l’atelier a édité un ouvrage (Depuis là, Ailleurs, édité par l’isdaT ) synthétisant ces 5 années de recherche. Les réflexions menées à cet endroit ont permis à l’atelier, mené avec les étudiants de master 1 design graphique, de regarder les expériences passées sous le prisme de la notion de mise en tourisme qui traversait les lieux visités. La participation au colloque Éditer pour écrire en avril 2018 à l’isdaT a également participé de l’inflexion vers cette thématique (la conférence donnée par Sébastien Dégeilh et Olivier Huz portait sur le Touring Club de France et l’invention du paysage qu’il porte par son action sur la signalétique routière en France, la mise en place des tables d’orientation et sa politique éditoriale, faisant la promotion des concours de Villages fleuris). Ce travail mené depuis 2013 et ainsi redéfini fournit une bonne assise au programme de recherche proposé qui pourra s’appuyer sur un certain nombre de pistes de travail déjà identifiées (Touring Club de France, dispositif des Nouveaux Commanditaires, mise en tourisme de la voix) et des collaborations artistiques et institutionnelles déjà engagées.