Workshop Habiter la Ville, Ugo La Pietra
Invité par Philippe Casens et Nathalie Bruyère en 2012
Le travail porte sur l’observation de la ville et de son organisation afin de créer des cellules donnant la possibilité de se retrouver, habiter la ville au sens de Ugo La Pietra. Cela a été aussi l’occasion de parler de transmission.
Manuel Valentin raconte à travers cette expérience son regard sur cette semaine, sous la forme d’une lettre.
“J’étais jeune étudiant aux beaux-arts lorsque je rencontrai pour la première fois l’œuvre d’Ugo La Pietra. Le hasard heureux d’une rencontre avec une revue italienne — Domus certainement — trouvée je ne sais où. Une rencontre qui ouvrait soudainement de nouveaux horizons. Car nos professeurs, au tout début des années soixante-dix, ne juraient encore que par Le Corbusier, le Mouvement Moderne et le design n’existait pas hors du Bauhaus. Le mot “design” ne s’imprimait pas encore sur le papier glacé des revues et en-dehors de quelques tentatives isolées, la France vivait sur le seul concept des Arts Décoratifs. Alors, découvrir que la ville n’était pas simplement un corps logique ou se frôlent des catégories sociales et économiques mais aussi un lieu d’expérience révélateur de notre capacité à inventer de nouveaux rapports avec le construit, fut pour moi une sorte d’illumination qui m’ouvrait un champ de possibles dont mes professeurs arc-boutés sur leurs certitudes m’avaient privé. La ville devenait enfin un lieu propre à l’égal de ma chambre. Je pouvais y lier une relation vécue, elle devenait un atelier à ciel ouvert, une manière de vivre dehors comme on existe dans le dedans. Habiter la ville c’était donc vraiment être partout chez soi. Il commutatore ou La cellula abitativa comme Le cicérone électronique transformaient radicalement toute idée préconçue de la ville. Nous étions là dans une sorte d’intimité urbaine, en-dehors des utopies urbaines globalisantes. La vie était à portée de main, immédiate et intense. Ma deuxième rencontre, celle-ci réelle et une quarantaine d’années plus tard avec Ugo La Pietra eut pour cadre son atelier milanais. Nous étions venus le rencontrer avec Nathalie Bruyère, professeur et Philippe Casens, intervenant aussi à l’isdaT pour y préparer sa venue et entamer une recherche sur Global Tools, bref fragment d’histoire du design radical. Et au fur et à mesure que nous descendions l’escalier de son atelier-réserve situé en sous-sol, se dévoilait toute l’histoire de sa recherche, les dessins, les planches graphiques des projets, les prototypes, les maquettes, les dispositifs de décryptage et de transformation des pratiques urbaines. Tout était là augmenté de ses travaux passés et actuels. La grotte d’Ali Baba, un trésor. Je pense qu’il a dû me prendre pour un idiot tant l’émotion d’être là neutralisait toute parole sensée de ma part. Mais toute cette richesse imaginative était rangée ici, dans un sous-sol, comme dans un tombeau, comme si l’aventure radicale d’une autre forme de ville, d’une autre forme de société, d’une forme de relation à l’autre ne devait exister que et seulement sur le papier. Enfin, la troisième rencontre avec Ugo La Pietra eut pour cadre l’isdaT où il encadra un workshop sur la ville avec les étudiants en design. C’est un autre Ugo La Pietra qui m’apparut, coiffé d’un feutre, les épaules couvertes par une cape de laine, accompagné de son épouse. Une image un peu désuète d’un homme vieillissant. Mais, face aux étudiants il était toujours là, vivant, présent, à l’écoute des propositions des étudiants. Et même si certaines pouvaient lui paraître naïves ou simplistes, il accompagnait toujours avec patience la parole de l’étudiant et prolongeait avec pertinence la thématique abordée. Modeste et discret, il nous a accompagnés avec bonheur une semaine entière. Vous l’aurez noté, j’ai pour cet homme une grande tendresse.” Manuel Valentin
Coralie Gourguechon
“Habiter la ville, c’est être partout chez soi” en créant une réflexion et une proposition de lieu de suspension entre la limite des sphères du public et du privé. La première action a été de m’intéresser aux moyens d’appropriation de la ville : la photographie permet de capturer un lieu via un point de vue personnel. L’acte laisse donc place à un objet issu d’une vision personnelle d’un lieu public. À une époque où l’image et la possession prennent le dessus sur le temps de vivre, je propose d’inverser le processus, en privilégiant l’instant au détriment de l’objet “souvenir”. Cet “appareil à habiter la ville” implique également un nouveau mode exploratoire, définissant des temps de pause et d’observations plutôt que des prises de vue furtives. Cet espace tend à démontrer que l’expérience a plus de valeur que le souvenir de l’expérience. L’appareil à habiter la ville se présente sous la forme d’un micro-espace qui se plie pour être mieux transporté, et se déploie au gré des envies de son utilisateur. La fenêtre carrée permet un cadrage idéal sur la ville, ou la nature urbaine. Cette vue restreinte permet de décontextualiser un lieu, de le voir sous un autre angle.
Emmanuel Jaudard
L’architecture du double-fond est une architecture pirate, destinée à occuper les creux, interstices, recoins et autres vides disponibles dans un bâtiment. Il s’agit d’une habitation minimale, dissimulée, cachée, tirant profit du milieu construit préexistant. L’architecture pirate s’implante au sein même d’un bâtiment privé ou public, elle le parasite de l’intérieur, elle est de ce fait illégale. Elle permet à son (ses) utilisateurs de disposer d’un abri, d’un micro-habitat à l’intérieur d’un bâtiment qui ne lui appartient pas.