(Penser [Faire) Penser] Global Tools aujourd’hui ?
Interroger la profession du design c’est, selon l’approche des radicaux italiens, ne pas partir de l’idée que le design est au service de l’industrie ou des services, ni même de l’idée d’un design artistique ou encore d’un design au service de l’architecture ou de l’ingénierie : le design n’est pas au service de ces champs, mais en relation avec eux. Ce qui est sûr, c’est que le design utilise la technique comme réflexion, le symbolique comme support de langage et interroge l’économie pour créer des œuvres issues de milieux précis. Le design crée les conditions d’un milieu éco-techno-symbolique.
Ce projet de recherche repose sur 6 piliers :
- Entretiens : Global Tools, un milieu italien éco-techno-symbolique
- Méthode : Globish VS Italien Radical
- Expérimentation
- Exposition
- Portrait des diplômé·es
- Édition
L’expérimentation (ou les workshops articulés à une problématique) est le premier pilier vers une recherche-création-action. “La recherche ne se réduit pas à sa compréhension scientiste, telle que l’évolution récente des institutions d’enseignement supérieur l’a consolidée dans ses méthodes comme dans ses formes de présentation ; la recherche est le moteur des pratiques disciplinaires à partir et au milieu desquelles elle produit et transmet des savoirs ; la recherche requiert en tant que telle l’engagement personnel, intellectuel et émotionnel du chercheur, la mobilisation de son imagination et de son énergie créatrice” (Lysianne Léchot Hirt). La recherche-création-action, engage le corps, les gestes, la pensée dans des expérimentations questionnant radicalement nos milieux de vie.
L’immersion et l’étude de situation sont centrales — elles permettent de comprendre, par l’usage, les dispositifs et les temporalités de notre monde. Telles sont les bases de ce travail de recherche, qui commence par le regard et l’expérience pour interroger différentes théories et expérimenter. Il ne s’agit pas d’utiliser les sciences sociales comme faire-valoir d’une garantie de bonne pratique professionnelle, mais d’apprendre à dialoguer avec elles pour porter un regard critique sur les dispositifs techniques, industriels et projectifs.
Global Tools permet de s’éloigner de la mode du design thinking, ou plus généralement de la logique du lean, méthode censée garantir le fonctionnement sans heurts ni conflits, une organisation qui n’oublie rien et qui promet un éternel bon résultat. Or, né au sein d’une entreprise au service de l’industrie, le design thinking, promu comme de l’innovation permanente et la garantie du participatif, ne peut questionner la productivité en tant que telle. La recherche en design n’est pas là pour rendre intelligible le monde à travers la science, elle est là pour rendre compte de et modifier l’habitabilité de notre monde. Elle est “au milieu de la connaissance et du connu […] ayant pour but de réunir les objets-dessins et les objets-desseins” (Victor Petit). Contrairement au design thinking, Global Tools prend la position du dé-projet, partant sur une demande où “ La vie, le milieu sont des termes globaux par lesquels on vérifie les outils, les techniques, les théories (Bulletin 1, groupe théorie). Pour créer, les designers, architectes, artistes qui ont constitué ce groupe insistent sur le pourquoi, la mise en question de la croissance, le point de vue du dispositif et les desseins généraux. Le design opère en acte comme l’art, en créant des liens au sein des contextes différenciés.
Professeur référente
Nathalie Bruyère
Entretiens : Global Tools, un milieu italien éco-techno-symbolique
- Entretien avec Andrea Branzi / retranscription
- Entretien avec Alessandro Mendini / retranscription
- Entretien avec Ugo La Pietra / retranscription
- Entretien avec Gianni Pettena / retranscription
- Conférence de Franco Raggi à propos du séminaire sur le corps dans Global Tools / texte
- Entretien avec Paolo Deganello / texte
- Entretien avec Gaetano Pesce / retranscription
Méthode : Globish VS Italien Radical
“J’aime être une personne, écrit le pédagogue brésilien Paulo Freire, parce que, inachevée, je sais que je suis un être conditionné, mais conscient de son inachèvement, je sais que je peux le dépasser “. En ce sens, les étudiants comme les enseignants sont des personnes. L’enjeu pédagogique réside dans la participation à l’élaboration d’un savoir qui va au-delà de sa seule expérience concrète et immédiate. C’est pour cela que ce type de recherche ne peut avoir lieu que dans des écoles comme la nôtre, des écoles qui se présentent “comme lieu de dialogue dans et hors de la classe, dans la cour, dans le quartier, dans la salle à manger de l’usine.” (P. Freire).
Lorsque l’on parle de professionnalisation, il s’agit généralement d’outiller les étudiants de savoir-faire exécutables immédiatement dans de futurs emplois, ici, il s’agit de les outiller d’un sens critique et pratique à la fois,qui leur permettent d’être au monde, au milieu de ce qu’ils aimeraient être et faire, dans un processus critique et évolutif, conscients des conditions d’emploi et de travail.
La demande aux écoles d’art et de design de mettre en place la recherche a fait suite à de nombreuses discussions vis-à-vis des méthodologies officialisées et labellisées recherche. Philippe Casens et Nathalie Bruyère ont incité et agi en fonction des connaissances rassemblées à la Domus Academy à savoir : “Nous retenons comme nécessaire d’opérer une redéfinition du concept de la théorie comme créativité pure. […] Par ce moyen, la théorie peut être exprimée par l’homme qui réagit globalement à la réalité par des actions, des comportements, simples et techniques, des pensées élémentaires. Le processus d’identification instantanée entre la théorie et la praxis renverse, telle une rotation copernicienne, n’importe quelle définition de la théorie comme instrument pour construire des objets mentaux, modèles de culture et de société.” (Bulletin 1, groupe théorie).
Le projet de recherche-création-action autour de la Global Tools est né dans ce contexte en dialogue entre et avec la pratique et la théorie. Un parallèle y est expérimenté entre le milieu qui l’a vu naître, l’Italie des années 1970, et la ville de Toulouse : ville très étalée, ville des ingénieurs, ville d’Airbus, ville campagne péri-urbaine, ville universitaire et étudiante, première ville où sont apparus un fablab et un hackerspace, une communauté du libre, interrogeant ainsi la chaîne de production numérique. Ce qui a également rendu possible le déploiement de notre recherche-création-action et permis de nourrir les différents points de vue, c’est que le design à l’isdaT est issu d’une double formation d’architecte (d’intérieur) et de design (industriel).
Ce programme de recherche est le fruit d’échanges constant au sein de l’option design que ce soit sur le rôle du design dans une école d’art, mais aussi par l’investissement des enseignants dans la mise en place des workshops en design donnant corps à une recherche liée à la praxis, au soutien de toutes les personnes qui composent l’école, de l’administration aux différents directeurs qui ont initié le programme ou l’ouvrage. Ces questionnements sont amplement nourris par les liens inscrits dans le travail d’adossement à des laboratoires universitaires comme le LARA, le LISST, le CERTOP, l’Institut de la Ville1 et l’INSA, qui se sont engagés dans une recherche croisée sur des problématiques précises (la marche en ville, le périurbain, les analyses, les ateliers inter-formation…) plaçant ainsi les travaux des étudiants dans un maillage pluridisciplinaire de très haut niveau.
L’ouvrage sur les enjeux soulevés par La Global Tools qui clôture ce programme, doit son aboutissement à la collaboration étroite avec Victor Petit, philosophe, et aussi aux réalités professionnelles inscrites dans le travail d’agence d’architecture et de design.
1 L’Institut de la Ville vise à l’excellence scientifique en catalysant des recherches interdisciplinaires sur la Ville, au carrefour de compétences en sciences humaines et sociales (sociologie, géographie, droit, urbanisme), en architecture, en sciences et techniques (génie civil, génie urbain, mathématiques).
Expérimentations
Expositions
Portrait des diplômé·es
- Quelles histoires : celles du branding ou celles des rapports sociaux ?
Cécile Laporte - Comment transmettre ? Comment combattre l’obsolescence programmée ?
Coralie Gourguechon - Comment définir le débat autour de l’open design, du co-design ?
Camille Platevoet - Qu’est-ce que transmettre une valeur d’usage, vers un design social ?
Irina Pentecouteau - Projet de Charlie Aubry
- Projet de Vincent Fortin
Édition
Global Tools (1973-1975) : Eco-Design : Dé-projet & Low Tech
Première traduction française des Bulletins, l’édition Global Tools (1973-1975) : Eco-Design : Dé-projet & Low Tech rend compte de la recherche initiée par l’architecture et le design radical italiens dans les années 70. Ces artistes, architectes et designers ont été pionniers de problématiques très contemporaines questionnant l’écologie, le low tech et la notion de projet. Leurs partis-pris sont aujourd’hui prolongés jusque dans des pédagogies innovantes centrées sur le « faire » et le « fabriquer » à travers un renouveau de la « Progettazione ».
Global Tools, sous dir. Nathalie Bruyère, Toulouse, isdaT, 2022
Conception graphique : Stéréo Buro
Impression : Musumeci, Aoste (IT)
Diffusion : Les Presses du réel
ISBN : 978-2-35699-059-4
35€
Vente en ligne (lien à venir) ou commande à regie@isdat.fr