Les Formes du Design, présentation des projets isdaT
“Réchauffement climatique, perte de biodiversité, conflits liés aux matières premières et rares, populations déplacées : nos modes de vie, de production, de consommation, doivent se transformer sans délai pour maintenir une planète vivable. Le design tient un rôle majeur dans nos capacités de transformation. Du signe à l’objet, de l’espace aux écosystèmes, de la société aux systèmes complexes, le designer est un concepteur qui permet aux projets, à toutes les échelles, d’être intelligibles, utiles, vecteurs de changements concrets.
Alors qu’enseigne-t-on et comment enseigne-t-on dans une école supérieure de design dans ce nouveau contexte ? Établissement public d’enseignement supérieur du design en Occitanie, l’isdaT — institut supérieur des arts et du design de Toulouse apporte une réponse possible, ouverte, créative et engagée. L’écosystème social, productif, économique entre les différentes composantes d’un projet de design sont au cœur des enseignements : interrelations entre les éléments vivants et non vivants, entre les échelles d’approvisionnement (gestion des ressources) et les modes de production, entre les faits de société et les pratiques habitantes.
Labellisée France Design Week, l’exposition Les Formes du Design a vocation à mieux faire connaître le design auprès de tous les publics ; l’isdaT en est un acteur clé car il forme les designers du futur, qui, en participant à cette exposition, sont intégrés dès leurs études dans les réseaux professionnels.”
Jérôme Delormas, directeur général de l’isdaT
Changement d’échelle, des outils partagés
Dès son apparition, la société industrielle aura pensé la notion de limite comme une entrave. Face aux manifestations de démesure des organisations humaines contemporaines, nous nous intéressons à explorer par le design, l’hypothèse d’un changement d’échelle pour penser en lieu et place des centrales (dont nous dépendons) un ensemble de systèmes autonomes constitués en “voie lactée” et qui assurerait l’information, l’indépendance et la possibilité d’agir de l’ensemble de ses acteurs.
La thématique intitulée “Changer d’échelle ?” se déploie à l’isdaT via une recherche envisagée à partir de la pratique, du projet. Elle s’appuie simultanément sur un séminaire théorique intitulé La condition économique du design assuré par Pierre-Damien Huyghe, philosophe, ainsi que sur l’intervention commune de Yann-Philippe Tastevin, anthropologue des techniques & Victor Petit, philosophe des techniques, invitant à dépasser les oppositions binaires entre high-tech et low-tech, et sur une démarche de recherche-action-création autour des manières de s’approvisionner et de produire.
Ce questionnement permet de croiser des propositions pédagogiques issues des options design et design graphique de l’isdaT, du signe à l’espace : comment concevoir des scénarios, des aménagements, des mobiliers, des objets, des motifs, des caractères typographiques, tout en étant attentif à l’approvisionnement, aux logiques et aux outils de production, à l’autonomie et à l’information de ses acteurs ?
Différentes échelles de production sont ainsi abordées, du micro au macro :
- la conception d’une police de caractères open-source filaire pour la CNC ;
- la conception d’un mobilier ré-appropriable, transformable et réparable pour un lieu commun à l’isdaT ;
- la conception d’un lieu de cuisine et de restauration en commun dans l’école, de ses aménagements, de son laboratoire de production ;
- la conception d’un scénario de fonctionnement articulé à un circuit court d’approvisionnement.
L’exposition présente une sélection des étapes de recherche des différents travaux, regroupés en deux ensembles : les travaux relevant de la recherche d’un lieu de cuisine et de restauration en commun dans l’école, les travaux s’inscrivant dans le projet Bibliothèque Infinie orienté vers la diffusion d’outils libres.
Participant·es isdaT
Étudiant·es : Florent Barthe, Dunith Boudjeddar, Lise Brugel, Noëlie Dayma, Clovis Fraces Bou, Élisa Garzelli, Clémence Joseph, Charlotte Kouadio, Valentin Lemoing, Éléonore Le Nezet, Jocelin Morel, Emy Perra-Marquez, Louna Quienne, Clémence Sellem, Sarah Toumi.
Professeur·es encadrant les projets : Nathalie Bruyère, François Chastanet, Jean-Marc Evezard, Laetitia Giorgino, Hanika Perez.
Médiatrices de l’exposition : Noëlie Dayma, Nour Matrak.
Relief SingleLine
Une police de caractères CNC open-source : spécimen typographique et démonstration table traçante
Relief SingleLine est une police de caractères sans empattements polyvalente orientée vers les environnements de gravure CNC (Computer Numerical Control, laser, fraiseuse ou traceur) au sein des fablabs (ou “fabrication laboratories”). Grâce à sa logique squelettique et son épaisseur paramétrique, elle peut également être utile dans des expérimentations imprimées et le web. La fonte Relief répond à un manque important au sein des fablabs d’un usage simplifié ouvert à tous d’une police de caractères “single-line” ou filaire quelle que soit la plateforme de conception initiale (Adobe, Inkscape, Rhino 3D), une solution innovante conçue collectivement au sein de l’option design graphique de l’isdaT. Elle permet à l’utilisateur de réduire drastiquement le temps d’usinage tout en offrant un rendu de qualité des courbes de Bézier et une composition typographique précise (crénage, fonctions OpenType, variantes de signes, système modulaire ornemental, etc.).
Le caractère Relief SingleLine est un projet open-source distribué sous la licence Open Font License, première fonte à tracé central fonctionnant dans l’environnement Adobe, disponible sur Adobe Fonts et la plateforme Github où sont disponibles les sources, les différents formats d’export ainsi qu’une documentation détaillée.
Bibliothèque Infinie
Un mobilier ré-appropriable, transformable et réparable pour un lieu commun à l’isdaT
En délaissant délibérément les standards et les principes d’architecture intérieure conventionnels qui privilégient le contenant au dépend du contenu et qui induisent une délimitation des espaces ainsi qu’une pré-définition des usages, il s’agit ici de proposer une autre culture de la domesticité qui repose sur une requalification de la standardisation, c’est-à-dire un “standard ouvert”.
Le standard ouvert s’applique à tout type d’espace et défend la qualité ; sa mise en œuvre peut passer par différents paliers cumulatifs dans le temps. Les objets produits ont pour but de ne pas être jetés, mais transformés. Le standard ouvert s’adapte au réemploi, à la récupération sauvage ou organisée, aux matériaux bruts. Concrètement, cette mise en œuvre passe ici par des modèles librement partagés en ligne de tabourets, tables, rideaux, imaginés à partir de la différence qui existe entre deux types de qualités : les qualités primaires, telles que la taille, la masse, le poids spécifique d’un corps, que l’on peut désigner objectives, donc définissables et mesurables ; une structure simple, reconnaissable, qui peut être rationalisée, issue d’assemblage d’éléments variables.
Cette forme est pensée comme ouverte via des assemblages démontables, elle est réparable, modifiable. Les plans sont paramétrables en fonction d’une demande localisée : hauteur de l’assiette ou proportions des moules pour briques suivant les cultures, etc. Les qualités subjectives, telles que la couleur, le goût, l’odeur, s’articulent avec l’ornementation, véritable nœud politique : elles engagent les personnes dans leurs cultures et leurs représentations et ne peuvent faire l’objet d’une stricte mesure.
Cette partie, souvent à la surface des formes tridimensionnelles, s’organise dans des grilles de composition communes et invite les usagers à librement remixer signes et symboles selon leur propre culture à travers une base de données distribuée sous licence Creative Commons.
Un lieu de cuisine et de restauration en commun dans l’école
La conception d’un scénario de fonctionnement articulé à un circuit court d’approvisionnement
En premier lieu, nous avons pensé un écosystème organique et autonome permettant de tisser des liens entre de petites unités de productions disséminées sur un territoire local. Nous avons dessiné un scénario de fonctionnement reliant ses différents acteurs (producteurs et fournisseurs, livreurs, cuisiniers, étudiants), ses différents lieux (cuisine, marché, exploitations agricoles, école d’art), ses objets matériels (cagette, palette, bac gastronorme…), ses denrées alimentaires, ses services, ses normes.
La conception d’une cartographie de l’écosystème de la cantine soutenable
Loin d’une vision idéalisée, cette cartographie de l’écosystème de la cantine propose de donner à voir la complexité d’une cuisine soutenable dans un centre urbain aujourd’hui. Elle retrace les relations entre des personnes (le cuisinier d’un restaurant coopératif, des agriculteurs, des livreurs, des fournisseurs, des petits producteurs, des grossistes), des lieux (une cuisine, un marché de plein vent, de grands bâtiments de logistique, des exploitations agricoles) — des “objets” matériels (cagette, palette, chariot de transport, bac gastronome, camionnette, vélo-cargo) et des règles, des normes, des organisations, des menus, des trajectoires.
La conception de l’aménagement de la cuisine d’assemblage, du comptoir de service et des fonctions associées
Nous avons souhaité formuler une proposition concrète pour une approche singulière de la cuisine collective en tentant d’approcher ces différentes questions : comment l’organisation de la cuisine peut-elle se prêter à plusieurs scénarios de fonctionnement ? Comment limiter son empreinte carbone ? Comment anticiper la revalorisation des déchets organiques et limiter sa consommation d’énergie ? Cette proposition repose sur un système de rangement flexible et modulaire permettant de faire évoluer les configurations et d’adapter l’espace à différents usages et combine des éléments semi-fini tirés de la production industrielle avec des éléments issus des filières de réemploi.